Project Canterbury

 The Conversations at Malines

 Les Conversations de Malines


1921-1925

London/Londres: Humphrey Milford, 1927.


Appendice II

Extrait d'un discours fait par l'ARCHEVÊQUE DE CANTORBÉRY dans la Chambre des Évêques le 6 février 1924.

ALORS, Messeigneurs, en écrivant à nos Métropolitains concernant toutes ces choses, j'eus occasion, comme vous vous en souviendrez:, de raconter aussi le fait des conversations qui avaient eu lieu chez le cardinal Mercier à Malines, entre quelques-uns de nos théologiens anglicans et de certains théologiens de l'Église catholique romaine, ces conversations ayant lieu sous la présidence du cardinal Mercier lui-même. ...

La controverse et même la clameur suscitées par ces 'conversations' se rattachent, je le suppose, à la rarité d'un tel incident. Il serait difficile, je l'imagine, de retrouver une occasion antérieure où une paisible discussion et une nouvelle exposition des faits aient été collaborées par un groupe mixte, composé de théologiens compétents tant anglicans que catholiques romains. Par conséquent, aussitôt que j'eus annoncé que ces conversations informelles avaient eu lieu (et je voulais l'annoncer au premier moment convenable) l'assertion fut déformée ou exagérée de manière à annoncer qu'une négociation secrète était en train sous la direction de l'archevêque de Cantorbéry pour réunir l'Église d'Angleterre à l'Église de Rome. Pour ce qui regarde le secret--asseveration de laquelle on a fait dépendre beaucoup de choses--je saisis le premier moment convenable, comme je l'ai dit, d'exposer simplement ce qui était arrivé. En cela j'avais pour but d'éviter des malentendus basés sur des rumeurs mal fondées qui auraient pu circuler. Je racontai les faits avec une simplicité et une franchise absolues. Vous aurez pu remarquer que le cardinal Mercier, dans une Lettre Pastorale publiée y a quelques jours, dont il a eu l'obligeance de m'envoyer un exemplaire, a fait de même, et je n'ai guère besoin de dire que son récit correspond fidèlement au mien.

Pour ce qui concerne la Convocation, je serais content que l'affaire reste là, car je n'ai aucune raison de craindre le moindre malentendu du part d'aucun membre des deux Chambres. Mais des observations et des critiques de dehors la Convocation ont été abondantes. Ces observations peuvent se diviser en trois groupes. D'abord, ceux (dont du reste il y a grand nombre) qui, soit dans des discours publics, soit dans des lettres qu'ils m'ont adressées, ont exprimé leur satisfaction complète de ce que j'ai essayé de faire, de ce que je me suis gardé de faire. J'ai reçu d'abondantes lettres à cet effet, d'Anglicans en Angleterre et ailleurs, de Presbytériens écossais importants, de Non-Conformistes anglais importants, et d'hommes d'État dont je n'ai pu préciser la position sectaire. Voilà le premier groupe. Le second groupe de critiques (si le mot n'est pas trop doux) provient d'hommes et de femmes exprimant une crainte ou une indignation basées, à ce qu'il paraît, sur quelque représentation ou quelque conception des faits radicalement fausse. Ceux-ci me dénoncent comme ayant 'trahi l'Eglise', 'vendu le défilé', comme m'étant 'prosterné devant l'idolâtrie', ou bien, comme 'formant la tète d'une conspiration secrète contre la Vérité de Dieu'. Ces accusations ont été disséminées par de diverses publications dans ce pays. La meilleure réponse à ces controversistes est le silence, car il est impossible de s'en prendre à des arguments basés, non pas sur les faits, mais sur des chimères.

Cependant il y a un troisième groupe, composé de gens plus ou moins réfléchis, dont la loyauté aux principes protestants leur fait craindre tout ce qui leur semble un rapprochement vers l'Église de Rome, et qui me censent avoir fait tort, par ce que j'ai fait ou par ce que j'ai négligé de faire, à l'Église d'Angleterre qu'ils aiment tant. A ceux-là je voudrais bien m'adresser. C'est contre moi comme un 'troubleur d'Israël' qu'ils ont lancé leurs traits, quelquefois dans la douleur, quelquefois dans la colère. Des lettres formelles m'ont été adressées, et à l'une au moins de celles-ci, comme provenant d'une source illustre, j'ai eu soin de faire une réponse bien pensée, mais mon correspondant n'a pas, que je sache, rempli l'intention qu'il m'avait exprimée de publier la correspondance.

Je l'avoue, Messeigneurs, je le trouve difficile de comprendre comment une idée si fausse s'est propagée, car j'ai essayé dans ma lettre publique de Noël d'éclaircir ce qui est, à vrai dire, une très simple affaire. Pour aider tous ceux qui pourront lire un compte rendu de ce que je suis en train de dire je vais ici résumer les faits.

Il y a quelque deux ans une modeste réunion fut arrangée presque fortuitement pour que quelques théologiens éminents de l'Église catholique romaine pussent discuter avec quelques anglicans les différences qui séparent nos deux Églises. Cette réunion devait avoir lieu chez le vénéré et hospitalier cardinal Mercier à Malines. Bien que je n'eusse aucune responsabilité vis-à-vis cette proposition, il n'est pas moins vrai que, si je l'avais voulu, j'aurais pu, pour ainsi dire, étouffer la suggestion même d'une telle 'conversation', si informelle qu'elle fût; ou du moins j'aurais pu refuser d'y accorder aucune connaissance. Une telle action de ma part--ceci me semble indiscutable--aurait donné le démenti à l'Appel que la Conférence de Lambeth avait lancé, dans les termes les plus généreux, à 'tout le peuple chrétien' pour l'établissement d'une unité plus comprehensive de l'Église du Christ sur la terre. Elle aurait été, du reste, contraire à tous les principes que j'ai professés en matière de religion. J'ai toujours été d'opinion que l'échange des idées est d'une valeur capitale pour mieux comprendre ces matières de foi ou d'opinion où l'on n'est pas d'accord, si grand, si fondamental même que soit le désaccord. Pour moi, éteindre ainsi le lumignon qui fume en étouffant un effort pour discuter, dans cette intimité, nos différences d'opinion, cela, je le dis sans hésitation, m'aurait semblé un crime contre Dieu. Ce qui s'ensuivit se trouve décrit dans ma lettre publiée aux Métropolitains, dans les termes suivants:

Il fut suggéré que, dans le but d'arranger une seconde visite, les deux archevêques anglais pourraient informelle-ment nommer des délégués et même esquisser les tendances de la discussion qui devait avoir lieu. Je ne voyais pas de moyen de faire cela (c'est effectivement la raison pourquoi je ne le fis pas) mais dans la correspondance qui s'ensuivit, j'exprimai ma bonne volonté d'accorder une connaissance officielle aux arrangements, pourvu qu'une connaissance correspondante fût accordée par le Vatican. Une fois satisfait (après échange de lettres) quant à ce détail, j'accordai ce qui fut appelé 'une connaissance amicale' à une seconde visite du groupe anglican à Malines au mois de mars 1923. Je vous ai cité ces mots parce que quelque discussion s'est élevée à leur égard. Je m'y tiens sans aucune modification, convaincu que la vérité qu'ils contiennent ne sera mise en question par personne qui possède tous les faits. Le cardinal Mercier, je n'ai guère besoin de le dire, les confirme absolument dans sa Lettre Pastorale, à laquelle, Messeigneurs, je me permets de vous renvoyer.

A la fin du second Entretien on exprima le désir, de part et d'autre, que le nombre des participants des 'conversations' fût augmenté. La question dont il s'agissait, ou du moins l'une des questions importantes et d'une grande portée que je désirais voir suffisamment discutée, était celle de l'autorité du pape considérée comme doctrine de l'Église catholique romaine. Comme je ressentais profondément l'importance de cette question, je fis remarquer que, à mon avis, il serait à désirer que Mgr. l'évêque Gore et M. le docteur Kidd, deux de nos théologiens qui s'étaient le plus exercés sur ce sujet, fussent ajoutés au groupe anglican. Je priai les cinq hommes qui devaient par conséquent aller à Malines pour le troisième entretien de venir me voir à Lambeth, où, sans donner aucune instruction formelle, et sans exiger aucun programme particulier, j'insistai sur la nécessité d'exposer clairement ce que c'est que notre position anglicane, bien établie, parfaitement cohérente, comme elle se trouve émise par nos grands théologiens. Ceci correspond exactement à ce que nous avons toujours essayé de faire dans nos conversations avec nos amis des 'Églises libres' en Angleterre. Je trouvai que nous étions tous d'accord sur ce point.

Le troisième entretien (ou plutôt groupe de conversations) eut lieu, et là l'affaire resta, là où elle est à ce moment. [Ce discours fut fait avant que le quatrième Entretien eût lieu au mois de mai 1925.] Que je répète, car la réitération de ce point semble nécessaire, qu'il n'y a pas eu de négociation quelleconque. Rien de la sorte n'est encore à notre portée. De son côté, Mgr. le cardinal Mercier fait ressortir ce point avec la même insistance. Des phrases entières y sont consacrées dans sa Lettre Pastorale. C'étaient des conversations privées concernant notre histoire et nos doctrines respectives, et rien de plus. Les critiques de notre action voudraient que, avant qu' une telle conversation puisse être permise, nous devrions insister que lÉglise de Rome admette l'erreur de ses doctrines et renonce à la Déclaration concernant les ordres anglicans. Je me permets de croire, Messeigneurs, que vous partagez mon opinion quand je dis que traiter les conversations d'inutiles et de pernicieuses à moins que nous gagnions une telle soumission au commencement c'est montrer une misconception fondamentale de ce que c'est que les conversations où nous puissions élucider nos positions respectives. Où en serions-nous, Messeigneurs, si, dans toutes les controverses, les conversations étaient censées inutiles ou pernicieuses à moins que la conclusion ou même la conversion espérée de part et d'autre ait été déjà assurée? Quand même, à quelque époque à venir, nous serions arrivés à un point où le terme 'négociation' serait à propos, je le jugerais essentiel que ceux qui étaient envoyés en quelque sorte comme délégués ou représentants de l'Église d'Angleterre représentassent les différents points de vue qui ont chacun leur part légitime dans l'Église d'Angleterre.

Messeigneurs, cette répétition de l'exposé que j'ai déjà fait de ce qui est arrivé peut sembler--peut-être l'est-elle--superflue. Mais il me tard d'aider ceux du dehors qui condamnent ce que j'ai fait ou ce que je me suis gardé de faire de réaliser la nécessité où nous sommes d'envisager avec générosité le grand problème de notre obligation en matière de religion à cette période critique de l'histoire du monde. Si l'Église du Christ--donnant à ce terme sa signification la plus large--va remplir la charge qui lui fut imposée par son divin Maître, nous devons veiller a ce que, de tout notre pouvoir, nous luttions ensemble contre le mal qu'il nous ordonne de combattre et de vaincre. Il se peut que cette union de toutes les forces des chrétiens sur la terre soit très loin de nous. Je la crois très loin. Mais il nous faut continuellement, munis de la prière, lutter jusque-là. Et, tout en tenant fortement à ce que, de tout notre cur, nous croyons être vrai pour ce qui concerne la présentation de l'Évangile de Jésus-Christ aux hommes, nous devons nous garder (n'est-ce pas?) de prêter une oreille sourde, un il aveugle, aux plus légers mouvements dans la direction d'une compréhension plus réelle des différents aspects du message divin que, à plusieurs reprises et en plusieurs manières, Dieu a donné aux fils des hommes.


Project Canterbury