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Les Conversations de Malines
DANS l'automne de 1921, Lord Halifax rendit visite à Son Eminence le Cardinal Mercier à Malines et lui demanda s'il serait disposé à recevoir quelques-uns de ses amis anglicans, qui, comme lui-même, désiraient ardemment travailler à un rapprochement entre l'Église anglicane et l'Église catholique romaine.
Le moment, disait-il, était favorable. Les évêques anglicans, réunis au nombre de deux cent cinquante au palais de Lambeth, s'étaient exprimés en termes explicites et formels sur leur vif désir de voir se réunir la chrétienté d'une manière visible et vraiment catholique. Le cardinal accueillit avec joie la requête de Lord Halifax et celle de l'abbé Portal qui l'accompagnait.
Nous parlons ici de la conférence qui eut lieu à Lambeth en 1930, à laquelle assistèrent des évêques de toutes les parties du monde, y compris les États-Unis d'Amérique. Un Appel y fut adressé au peuple chrétien, dont il est à propos de citer ici le quatrième article.
'L'époque à laquelle nous vivons exige de nous un nouveau point de vue et une nouvelle ligne de conduite. La Foi ne peut pas être proprement préservée et la bataille pour la conquête du Royaume de Dieu ne peut pas être honorablement livrée, alors que le corps est divisé et, par conséquent, incapable de croître dans la plénitude de la vie du Christ. Nous croyons que le temps est venu où tous les groupes séparés de la Chrétienté doivent s'accorder pour oublier tout ce qui est passé et tendre vers le but d'une Église Catholique réconciliée. La suppression des barrières qui se sont élevées entre eux ne pourra être accomplie que par une nouvelle solidarité, celle de ceux qui ont définitivement tourné les regards dans cette direction.
'La vision qui se dresse devant nous est celle d'une Église vraiment Catholique, loyale à toute Vérité, et réunissant dans son sein tous ceux qui "font profession d'être chrétiens et qui en prennent le nom" dans l'unité manifeste de laquelle tous les trésors de foi et d'ordre légués par le passé au présent seront possédés en commun et mis au service du Corps du Christ tout entier. Les Communions Chrétiennes, actuellement séparées les unes des autres, conserveraient, au sein de cette unité, un grand nombre des traits qui distinguent les méthodes de leur culte et de leur action. C'est par une riche diversité de vie et de dévouement que l'unité de la communauté entière sera accomplie.' [Cité d'après la traduction française autorisée.] Ce fut dans l'espoir exprimé par cet article que deux amis Anglicans de Lord Halifax acceptèrent de l'accompagner à Malines.
Première Conversation: 6-8 Décembre, 1921. Aux deux premières réunions étaient présents: Son Eminence le Cardinal Mercier; Le Vicomte Halifax; Le Très Révérend Dr. Armitage Robinson, Doyen de Wells; Le Révérend W. H. Frère, Supérieur de la Communauté de la Résurrection (depuis évêque de Truro); Mgr. Van Roey, Vicaire-Général de Malines; M. Portal, prêtre de la Mission, Paris.
Parlant de cette première réunion, le Cardinal, vers lequel vont les remerciements de tous ses hôtes pour sa généreuse et cordiale hospitalité, a écrit ce qui suit; 'La première conférence qui fut toute d'information nous a remplis tous d'un profond sentiment d'estime mutuelle, de confiance réciproque et de cordialité fraternelle. Elle a avivé notre commun désir d'aider, si possible, à un rapprochement tel qu'a souhaité la conférence de Lambeth, et, aujourd'hui plus que jamais peut-être, tous ceux qui sont les témoins attristés et souvent impuissants de la démoralisation et de la déchristianisation de la société.'
Les lumières divines étant invoquées, lecture fut donnée à la première séance à un mémoire préparé par l'un des Anglicans sur la constitution de l'Église et la nature des Sacrements d'après les formulaires anglicans. Ce mémoire suggère quelques moyens propres à faciliter la discussion, à promouvoir l'accord et, là où la difficulté de réaliser l'entente semble plus grave, à tracer des voies d'accès.
Ce mémoire fut, d'un avis unanime, pris comme base de discussion et soigneusement examiné paragraphe par paragraphe. L'exposé de chaque sujet fut suivi d'une simple conversation où apparut le très ardent désir de dissiper les idées inexactes que chacune des parties risque d'avoir relativement aux doctrines de l'autre, et aussi de déterminer un premier fondement de foi commune sur lequel pourraient s'établir de nouvelles espérances d'entente. Ces discussions préliminaires occupèrent toute la journée, et bien qu'on n'arrivât pas à formuler d'autres conclusions, l'on reconnut d'une seule voix la nécessité pour l'Église d'une unité visible. Les Anglicans ne refusèrent pas d'admettre que si les obstacles qui s'opposent à une telle unité venaient à être écartés, il n'y aurait pas de difficulté à reconnaître la primauté ou la préséance historique qui appartient au siège de Rome. Ce dernier point toutefois resta en suspens.
Le second jour on donna lecture de l' 'Appel' de Lambeth à tout le peuple chrétien, tant en latin qu'en français, d'après les traductions autorisées; et cet 'Appel' fut également discuté chapitre par chapitre en toute liberté.
L'attention fut immédiatement concentrée sur la source des divergences à l'intérieur de l'Église universelle; il fut remarqué, avec divers exemples à l'appui, que des diversités existent aussi à l'intérieur de l'Église Catholique Romaine en matière de discipline, mais nécessairement dans certaines limites.
On discuta ensuite cette affirmation que les Saintes Écritures doivent être acceptées comme la 'règle suprême de la Foi,' [Appel de Lambeth, VI] allégation produite sans égard à la divergence des interprétations. Les Catholiques Romains ne purent accepter cette affirmation qu'avec réserve et l'addition de ces mots: ' en conformité avec la tradition de l'Église '. Du côté anglican, on fit observer que l'Église d'Angleterre avait toujours invoqué l'autorité des pères dans l'interprétation de l'Écriture. On fit en plus remarquer que les auteurs de l'Appel ne regardaient pas les points spéciaux de croyance énumérés par eux comme une déclaration de toute la croyance de l'Église d'Angleterre, mais les présentaient seulement comme le minimum de ce que devaient accepter ses dissidents pour que l'unité pût être réalisée.
Une sérieuse attention fut alors apportée au septième chapitre de l'Appel qui énonce avec force la doctrine de l'Épiscopat considéré comme le meilleur moyen de maintenir l'unité et la continuité de l'Église. En réponse à quelques critiques de cette déclaration tenue pour insuffisante, les Anglicans firent remarquer qu'ici, comme dans le chapitre précédent, l'Appel avait plus spécialement en vue la position doctrinale des Non-Conformistes.
De leur côté, les Catholiques Romains soutinrent que l'Épiscopat a besoin d'une tète visible pour centre de son unité tout comme les évêques eux-mêmes sont centres visibles de l'unité dans leurs diocèses. Après quelque discussion on conclut que la question entière de la liaison entre la Papauté et l'Épiscopat était d'une telle importance qu'il valait mieux la réserver à plus tard pour un examen plus sérieux.
Les Anglicans de leur côté pensèrent devoir tout de même faire ressortir que leur Appel à l'unité s'adressait à la fois aux Églises orientales et aux divers groupes protestants de l'univers; qu'à leur sentiment, leurs idées dans la question du chef visible sont exactement les mêmes que celles des Orientaux. Les Anglicans croient généralement que leur propre Église a été placée par la Providence dans une situation intermédiaire, ce qui implique pour eux une responsabilité correspondante; en sorte que, dans leurs efforts vers l'unité, ils doivent autant que possible maintenir le contact également avec les Églises Orientales et avec les Non-Conformistes.
A cela le Cardinal fit observer avec insistance que quelquesuns de ceux qui sont séparés de la Communion Romaine sont loin de vouloir tenter un rapprochement et qu'il ne servirait à rien de les attendre. Peut-être le bien de l'Église pourrait-il exiger que les Anglicans donnassent l'exemple, sans attendre les Orientaux et les Non-Conformistes. Cependant, on ajouta qu'il ne convient pas de précipiter les choses. Nous devons attendre dans la prière le moment choisi par l'Esprit-Saint 'qui souffle comme Il veut'.
Plus tard, une discussion complète s'engagea sur le sujet général de la suprématie pontificale et les changements survenus au cours des âges dans la situation de la papauté. A la fin, un des Anglicans fit remarquer (d'ailleurs avec l'assentiment de ses collègues): ' Nous souhaitons l'unité et, si les conditions nécessaires étaient reconnues et acceptées, nous ne reculerions pas devant l'idée d'une papauté agissant comme centre d'unité; en parlant ainsi, nous avons en vue non la Papauté telle qu'elle existe à l'heure actuelle en théorie et en pratique chez les Catholiques Romains, mais une conception de l'unité telle qu'elle peut surgir dans l'avenir.'
Le second sujet abordé fut la partie de l'Appel de Lambeth qui a rapport à la régularisation des ministères dans les Églises réunies. Les représentants anglicans firent remarquer que cette partie de l'Appel avait été conçue pour obvier aux difficultés soulevées par les non-épiscopaliens, ainsi qu'en fait foi l'énoncé lui-même. Incidemment, ce texte peut sans doute être appliqué à l'attitude des Anglicans vis-à-vis de Rome; mais il est capital de remarquer que tout porte sur la condition préalable, à savoir que les autres points en discussion auront été résolus d'abord d'une manière satisfaisante.
Il est bon de citer ici cette partie de l'Appel (ch. VIII):
'Nous croyons que, pour tous, le moyen vraiment équitable d'obtenir l'union est d'exercer une déférence mutuelle à l'égard de nos consciences respectives. Dans ce but, ceux qui envoient cet appel désirent déclarer que, si les autorités d'autres Communions en expriment le vu, ils sont persuadés que, les conditions de l'union une fois posées clairement sur les autres points, les Évêques et le clergé de notre Communion accepteraient volontiers de recevoir de ces autorités une charge ou une reconnaissance formelle qui indiquerait à leur congrégation que notre ministère a sa place dans la vie familiale. Il n'est pas en notre pouvoir de savoir jusqu'à quel point cette suggestion peut être acceptable à ceux auxquels nous l'offrons. Tout ce que nous pouvons dire c'est que nous l'offrons en toute sincérité, comme un gage de notre désir que tous les ministères de la grâce, les leurs et les nôtres, soient rendus disponibles au service de Nôtre-Seigneur dans une Église unie.
'Nous espérons que le même mobile induira certains ministres qui ne l'ont pas encore reçu à accepter une charge par l'ordination épiscopale et à obtenir ainsi que leur ministère s'étende à toute la communauté.
'En agissant ainsi, aucun de nous ne peut être accusé de répudier son ancien ministère. A Dieu ne plaise qu'aucun homme répudie un passé riche en bénédictions spirituelles pour lui-même et pour autrui. Une telle action ne déshonorerait pas le Saint-Esprit à l'appel duquel nous avons entrepris nos divers ministères et à l'aide duquel nous devons de les remplir. Nous chercherons, au contraire, d'une manière publique et formelle, la reconnaissance supplémentaire d'une nouvelle vocation qui nous appellera à un service plus étendu dans une église réunie et nous implorerons que la grâce de Dieu nous donne la force de le remplir.' [Cité d'après la traduction française autorisée.]
Après quelque discussion, l'un des Catholiques Romains fit remarquer l'importance de ce qu'il regardait comme une offre de la part des évêques anglicans. Étant donné l'état des esprits à l'époque de la controverse sur la validité des ordres anglicans, nul n'aurait jamais pu s'imaginer q'une offre semblable pût être faite si tôt après la condamnation. Les évêques anglicans donnaient là un grand example d'humilité chrétienne et faisaient un sacrifice réel par amour de l'unité. Il convient toutefois de se souvenir que l'offre n'avait chance de passer dans la réalité, qu'autant qu'un accord serait tout d'abord obtenu sur les nombreuses questions qui, pour l'instant, séparent les deux Églises.
Au moment de clôturer cette première conférence, l'un des Anglicans demanda la permission d'exprimer sa profonde satisfaction de ce qu'il avait été possible de tenir une assemblée comme celle-ci, ce qui, croyait-il, était sans précédent dans les 200 dernières années et plus encore. Elle n'avait pas eu pour objet la conversion ou la soumission des individus; mais elle avait été une réunion de théologiens, désireux d'examiner si l'Église d'Angleterre et l'Église de Rome pouvaient arriver à une 'entente cordiale'.
Les plus chaleureux remerciements furent exprimés au Cardinal par ses hôtes pour sa gracieuse hospitalité, et tous, à l'unanimité, exprimèrent le désir de voir se tenir ultérieurement d'autres conférences.
La Seconde Conversation: 14, 15 Mars, 1923. Furent présentes à la seconde réunion les mêmes personnes qu'à la première. Mais cette fois les Anglicans et les Catholiques se rencontraient au su de leurs autorités respectives les archevêques de Cantorbéry et d'York, et le Saint-Siège. Les Anglicans avaient exprimé le désir de faire porter les entretiens moins sur des points de doctrine que sur certaines questions pratiques qui prendraient une grande importance, lorsqu'un accord sur les matières de foi serait en perspective. Sans doute il paraissait prématuré de discuter longuement des problèmes d'administration, quand de graves divergences doctrinales subsistaient encore. Cependant les Anglicans estimaient qu'un examen immédiat des questions pratiques n'aurait que de bons effets. Leur mémorandum envoyé d'avance aux interlocuteurs offrait matière à une discussion de cette nature.
Les Anglicans tinrent dès le début à mettre en relief la différence considérable, tout à la fois géographique et numérique, entre la situation de l'Église d'Angleterre au commencement du seizième siècle et celle de la Communion Anglicane à l'heure actuelle. Au seizième siècle, celle-ci se réduisait aux 21 sièges occupés par les évêques anglais; à l'époque de la conférence de Lambeth en 1920, elle s'étendait aux 368 diocèses dont les évêques avaient été convoqués, et dont 250 furent réellement présents. Ce grand nombre d'évèques exercent leur ministère episcopal dans toutes les parties du monde et regardent vers Cantorbéry comme vers leur centre.
Une question fut posée relativement à la situation de l'archevêque de Cantorbéry dans la Communion Anglicane. Il fut répondu qu'il possède, comme tous les métropolitains, une juridiction effective et canonique seulement dans sa propre province, mais que de plus il est le centre de la Communion Anglicane, sans revendiquer pour autant une juridiction quelconque sur les provinces ou diocèses qui sont en communion avec lui. Il convoque les conférences, telle par exemple celle de Lambeth, et les préside. On recourt à lui pour demander des conseils, mais il ne peut imposer ses recommandations.
Les Anglicans ajoutèrent qu'en plus de l'accroissement de la Communion Anglicane ils appelaient aussi l'attention sur sa cohésion. En matière de réunion, ils agissent ensemble comme un seul corps. Interrogés sur le mode de cette action, ils répondirent que la conférence de Lambeth pourrait peut-être fournir des moyens naturels d'action commune.
Les Anglicans en vinrent ensuite à ce principe bien connu: ' Nulle puissance étrangère ne possède une juridiction quelconque dans le royaume d'Angleterre.' Est-il possible d'interpréter l'autorité spirituelle du pape de telle manière que sa juridiction ne vienne pas s'immiscer dans celle des évêques d'Angleterre? Leur autorité peut-elle être garantie en même temps que serait reconnu le droit réclamé par le pape d'intervenir en tout ce qui concerne les intérêts généraux de l'Église universelle?
Les Catholiques Romains observèrent que le pape ne peut abandonner son droit d'intervenir en tout lieu, mais que l'on peut se demander jusqu'à quel point il est nécessaire que le pape exerce ce droit. Si le principe de son droit était reconnu, il se pourrait que le Souverain Pontife accordât à l'autorité locale de développer normalement son activité sans intervention pontificale.
A une question des Anglicans sur la source de la juridiction il fut répondu qu'il y avait deux opinions parmi les théologiens: les uns font dériver du pape toute juridiction, les autres affirment que la juridiction des évêques leur est conférée directement par Nôtre-Seigneur comme elle l'a été aux Apôtres, étant bien compris toutefois que l'exercice de la juridiction doit être autorisé par le pape. Les modes d'autorisation ou d'approbation ont varié aux différentes époques et varient encore aujourd'hui suivant les pays, par exemple les Églises Uniates de l'Est.
Les Anglicans dirent que le droit du pape à une juridiction universelle n'était pas, pour l'instant, en discussion; on s'y arrêterait plus au long en une autre occasion. En attendant ils déclinent toute revendication du pape à une juridiction quelconque en leur pays. Mais comme les Anglais sont et ont toujours été un peuple pratique, il leur importe de savoir si, du point de vue catholique romain, il est possible de concilier effectivement le maintien de ce qu'ils regardent comme le droit du pape avec la volonté des Anglicans de conduire et contrôler leurs propres affaires.
Les Anglicans remercient les Catholiques pour les divers avis proposés par eux. Ils veulent espérer en tout cas que le pape se bornerait à agir directement auprès de l'archevêque de Cantorbéry comme étant le chef reconnu de la Communion Anglicane, ou auprès des divers Métropolitains des provinces ecclésiastiques anglicanes.
La discussion revint à la partie de l'Appel de Lambeth qui traite de la régularisation des ministères dans les Églises pour le cas où les conditions d'union seraient réglées d'une manière satisfaisante. Quelle ' forme de commission ou de reconnaissance' demanderaient vraisemblablement les autorités romaines? Les Anglicans estiment que l'offre impliquée dans la déclaration générale des évêques à Lambeth au sujet de tous les corps chrétiens disséminés dans le monde, aurait pu dans cette circonstance être accueillie avec générosité. L'un d'eux dit que la question des ordres anglicans devrait être examinée à nouveau; que l'Eglise-Mère avait fait un tort sensible à l'Eglise-Fille et que ce tort devait être réparé.
Les Catholiques Romains exprimèrent cette opinion que le Saint-Siège seul était en mesure de fixer les conditions d'une telle régularisation, et qu'en vue d'une réunion possible, les ordres anglicans seraient examinés avec le plus grand soin.
Entre autres sujets discutés, les Anglicans proposèrent, comme une partie essentielle de l'accord en vue, la stipulation formelle qu'ils conserveraient certains rites et certaines coutumes caractéristiques de leur vie religieuse, comme par exemple:
(a) L'usage de la langue anglaise et du rite anglais dans la liturgie.
(b) La communion sous les deux espèces.
(c) La permission du mariage pour le clergé.Sur les trois points mentionnés, les Catholiques Romains répondirent qu'il existe des précédents qui sont en partie conformes aux désirs exprimés par les Anglicans; mais ces précédents proviennent des Églises Uniates de l'Orient. Il n'y a donc pas d'obstacle absolu à ce que ces désirs soient en partie exaucés; mais les Catholiques Romains présents ne sont pas en situation d'anticiper sur le jugement que porterait le Saint-Siège quant aux raisons qui inspirent ces diverses requêtes.
A la fin de cette seconde conférence, on sentit que cet examen général avait aidé à comprendre les diverses situations et qu'il y avait lieu de porter à la connaissance des autorités respectives les points en discussion.
Troisième Conversation: 7, 8 Novembre 1923. A la troisième réunion, les membres de la Conférence étaient plus nombreux de chaque côté. D'une part, le Dr. Gore, ancien évêque d'Oxford et le Dr. Kidd, recteur de Keble-College à Oxford, étaient présents à la demande de l'archevêque de Cantorbéry; d'autre part, Mgr. Batiffol, chanoine de Notre-Dame de Paris et M. Hemmer, curé de St. Mandé (depuis curé de la Sainte-Trinité, Paris), avaient été invités par Son Eminence le Cardinal.
Un mémoire avait été préparé par l'un des Anglicans sous ce titre: 'La position de S. Pierre dans l'Église primitive: résumé du témoignage du Nouveau Testament '. Cet écrit fut soigneusement examiné, chapitre par chapitre. Une réponse également préparée d'avance fut lue et examinée de la même manière. Après une discussion très approfondie à laquelle tous ceux qui étaient présents prirent part, il fut décidé que chacun des deux groupes rédigerait un exposé sommaire de sa pensée, en tenant compte aussi bien des difficultés soulevées que des explications fournies, et en mettant en relief les points qui paraîtraient prêter à un rapprochement.
A une seconde séance, ces exposés sommaires furent présentés et lus. Voici l'exposé du groupe anglican.
Témoignage résumé du Nouveau Testament relativement à la position de S. Pierre.
1. Le point que nous avons à traiter dans ce court exposé est uniquement la position de S. Pierre parmi les autres Apôtres, d'après le témoignage du Nouveau Testament.
2. Nous reconnaissons que S. Pierre fut accepté comme chef ou guide des Apôtres et qu'il le fut parce que Nôtre-Seigneur l'avait traité comme tel.
3. Dans le chapitre XVI de S. Mathieu, nous reconnaissons que c'est à S. Pierre, comme chef et guide de la troupe apostolique, que Nôtre-Seigneur fit par trois fois sa promesse; mais nous trouvons dans le Nouveau Testament raison de croire que les promesses faites à un seul furent tenues à l'égard des douze apôtres, en sorte que tous constituent le fondement de l'Église, tous ont les clefs du Royaume, et tous ont le pouvoir de lier et de délier. Aussi regardons-nous la position spéciale de S. Pierre, non comme reposant sur une juridiction quelconque qu'il aurait seul possédée, mais sur sa qualité de guide principal parmi les apôtres.
4. Ce qui est dit ici d'après le témoignage de la Bible n'a pas pour but d'empêcher de prendre en considération la tradition ultérieure de l'Église dans son rapport avec l'ensemble du sujet.
L'auteur du mémorandum anglican sur la 'position de S. Pierre ' crut devoir donner une conclusion au débat en complétant l'expression de son sentiment dans une courte déclaration:
'Autant que je suis capable d'en juger le témoignage, il n'y a dans le Nouveau Testament aucune trace d'une juridiction de S. Pierre sur les autres Apôtres, ou sur les Églises fondées par eux. Tout dans le récit de l'Écriture indique le contraire. Une juridiction peut être affirmée dans le cas de S. Paul, par rapport aux églises locales qu'il a fondées; l'histoire établit clairement que S. Paul entend gouverner ces églises absolument, au nom du Christ et sous la direction de l'Esprit-Saint. Peut-être pouvons-nous présumer la même chose relativement aux églises locales fondées par S. Pierre ou chacun des douze apôtres, mais nous n'avons pas de preuve formelle.
'D'autre part le témoignage du Nouveau Testament nous permet de dire que S. Pierre fut choisi et marqué par Notre-Seigneur pour exercer une primauté de direction (primacy of leadership} parmi les Douze, pour être leur porte-parole et leur guide bien que n'étant pas leur maître. Cela semble abondamment prouvé dans la première moitié des Actes des Apôtres; mais dans la seconde moitié de ce livre une nouvelle figure remplit la scène; un apôtre paraît de la part du Christ, avec une mission nouvelle et indépendante; celui-ci dans sa propre sphère exerce également une primauté de direction (primacy of leader ship) > spécialement à l'égard des Églises des Gentils. Il souhaite d'être d'accord avec S. Pierre par amour de l'unité de l'Église; mais il n'admet pas qu'il dépende de lui de quelque manière que ce soit. [Je remarque en passant que ce fut un instinct juste qui poussa l'Église de Rome dès les premiers temps à insister sur le fait qu'elle fut consacrée par le sang de ces deux grands Apôtres.]
'Par ce qui vient d'être dit, avons-nous épuisé la signification des promesses adressées par Nôtre-Seigneur à S. Pierre? Pour moi, je ne puis répondre affirmativement. En conformité avec ce que je crois être un principe de \Ecclesia Anglicana, je ne puis accepter comme définitive une interprétation de l'Écriture qui ne tiendrait compte ni des interprétations données par les premiers Pères, ni de la conduite providentielle de l'Église telle qu'elle est révélée dans l'histoire. Les mots: "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église" ont hanté l'esprit de la chrétienté et ont été, en partie du moins, la cause de la situation prééminente de l'Église de Rome à travers les siècles. Il reste à examiner ce que cette prééminence peut à juste raison impliquer, soit que nous la regardions comme une suite de la prééminence de S. Pierre parmi les Douze, soit que nous l'envisagions à l'origine comme due à quelque autre cause. C'est là une enquête à laquelle nous devrons bientôt nous livrer.'
Voici maintenant l'exposé sommaire rédigé par le groupe catholique romain.
I. Les indications abondent dans les Synoptiques et dans l'Évangile de S. Jean que Pierre remplit un service propre auprès de Jésus et entre ses disciples.
Ce service ne tient, ni à ce qu'il a été le premier appelé par Jésus, ni à ce que son caractère a de spontané, mais à une volonté de Jésus.
Le Sauveur manifeste plus explicitement cette volonté par le ' Tu es Pierre ' de S. Mathieu, par le 'Confirme tes frères' de S. Luc, par le 'Simon, fils de Jean, pais mes agneaux. .. .' du quatrième évangile.
II. Cette volonté se traduit dans les Actes par le fait que Pierre paraît et agit comme le chef de la communauté primitive (leader of the Church).
S. Paul qui revendique l'apostolat de la gentilité, reconnaît Pierre comme l'apôtre des circoncis et n'a pas un mot qui conteste à Pierre une mission plus étendue.
III. Nous professons que les textes de l'Évangile, notamment le Tu es Petrus et le Pasce agnos expriment une prérogative de Pierre, fondement de l'Église et principe de son unité.
Nous concédons que les événements de l'histoire ont projeté sur ces textes des clartés qui en rendent plus manifeste la signification réelle.
IV. Le concile du Vatican définit comme de foi catholique la primauté de juridiction universelle conférée à Pierre, en s'autorisant des deux textes Tzi es Petrus et Pasce oves. II déclare que la négation de cette primauté est contraire au sens manifeste des Saintes Écritures, tel que l'Église catholique l'a toujours entendu.
Le concile n'indique pas les nombreux témoignages qui attestent la tradition dans l'interprétation des textes et qui sont du ressort de la patrologie et de l'ancienne littérature chrétienne.
Un autre membre du groupe anglican présenta un mémoire avec ce titre: ' Les textes relatifs à Pierre tels qu'ils étaient employés jusque vers 461.' Ce mémoire se terminait par une série de propositions que leur auteur estimait avoir obtenu aujourd'hui l'assentiment général. Un mémoire ayant été présenté du côté catholique, lecture en fut faite et la discussion conduisit à modifier quelque peu les propositions formulées dans le mémorandum anglican et à leur donner la teneur suivante:
I. L'Église romaine fut fondée et établie par S. Pierre et S. Paul, d'après S. Irénée (adv. Haer. iii. 3. 2). a. Le siège romain est le seul siège apostolique que l'histoire connaisse en Occident.
3. L'évèque de Rome est, comme le dit Augustin parlant du pape Innocent I, le président de l'Église Occidentale (Contra Jtdianum Pelagianum i. 13).
4. Il possède une primauté parmi tous les évêques de la chrétienté, en sorte que, sans communion avec lui, il n'est aucune perspective de voir jamais la chrétienté réunie.
5. C'est au Siège romain que les Églises d'Angleterre doivent leur christianisme, par l'intermédiaire de ' Grégoire notre Père' (Concile de Clovesho, A.D. 747) ' qui nous a envoyé le baptême ' (Chronique Anglo-Saxonne, an 565).
Un second mémoire fut alors présenté par le même écrivain anglican sur la question historique: ' Jusqu'à quel point l'autorité papale fut-elle rejetée lors de la réforme en Angleterre?' Comme ce mémoire consistait en de nombreuses citations d'actes officiels du Parlement ou de synodes provinciaux, on ne s'arrêta pas à les discuter en détail; mais l'attention se porta sur les considérations d'ordre général qu'il soulevait.
En ce qui regarde l'autorité papale les Catholiques Romains expliquèrent que cette autorité surpasse, mais n'anéantit pas l'autorité épiscopale. Toutefois, dans des crises exceptionnelles, le pape intervient dans la plénitude de son pouvoir.
A ce point, un des Anglicans dit qu'il était nécessaire de dire catégoriquement qu'ils ne pouvaient admettre ' la juridiction universelle ' réclamée soit pour S. Pierre personnellement soit pour l'Église romaine, mais seulement une direction spirituelle et une sollicitude générale pour le bien de l'Église dans son ensemble.
A l'objection qu'une simple primauté d'honneur ne pouvait être admise par l'Église romaine, les Anglicans soulignèrent qu'en outre d'une primauté d'honneur, le pape, à leur sentiment, possédait aussi une primauté de responsabilité.
Au terme de la session, on comprit que si les résultats de la conférence actuelle avaient été encourageants, il n'était guère utile de discuter davantage, tant que la doctrine sur le pouvoir du pape n'aurait pas été soumise à un examen plus complet.
La quatrième Conversation: 19, 20 Mai, 1925. A la quatrième conférence les Catholiques Romains présentèrent un mémoire intitulé: ' L'Épiscopat et la Papauté considérés au point de vue théologique '. Ce mémoire fut accepté comme un exposé clé l'enseignement des théologiens catholiques romains, mais non pas de tous: cependant les Anglicans voulurent poser des questions sur certaines expressions du mémoire qui leur paraissaient mériter une explication plus ample. Les assistants, tant catholiques qu'anglicans, prirent part à la discussion qui suivit et l'auteur du mémoire consentit à introduire certaines modifications dans son texte, ainsi que des remarques répondant aux éclaircissements demandés.
Un mémoire fut ensuite présenté par un autre catholique sous ce titre: ' Les Relations entre le Pape et les Évêques envisagées au poiat de vue historique '. Après lecture faite un des Anglicans déclara qu'il était d'accord pour reconnaître que maints développements de l'Église romaine sont évidemment providentiels, mais à son jugement, il y a dans l'Église anglicane, dans l'Église orthodoxe de l'Orient et parmi les Protestants des éléments de grande importance spirituelle dérivés du christianisme primitif du Nouveau Testament et qui sont en harmonie avec quelques-unes des meilleures idées modernes telles que la démocratie, la critique, &c. Or ces éléments lui paraissent avoir été repoussés de manière plus ou moins décisive par l'Église romaine.
Un autre Anglican remarqua que les Anglicans doivent, sous de nombreux rapports, corriger leur jugement sur l'Église romaine. En particulier, ils doivent admettre qu'elle est une Église qui s'est réformée elle-même au Concile de Trente; mais cette réforme s'accompagne d'un accroissement de centralisation qui a aggravé les difficultés. Aujourd'hui, quoique cette centralisation soit à peu près complète, il lui semble entrevoir quelques espérances de décentralisation et il les salue avec joie.
Les Catholiques Romains sont persuadés que de l'union avec les Anglicans découleraient de considérables avantages spirituels, un esprit, des habitudes qui, en coopération et avec l'agrément du Saint-Siège, feraient naître des exemples et des modèles de décentralisation qui seraient à l'avantage de l'Église entière.
Un autre orateur du même groupe ajouta que l'union des Anglicans et des Catholiques Romains serait à l'avantage de l'une et de l'autre partie. Les Anglicans profiteraient de la puissance d'unité que la primauté romaine leur apporterait, et les Catholiques Romains de l'expérience des Anglicans, de leur génie propre et de leur énorme influence sur la propagation de la Foi dans le monde. Son avis depuis longtemps est que les essais de rapprochement n'ont pas pour fin d'absorber l'Église anglicane dans l'Église latine, mais ils permettent de voir à quel point le principe catholique aussi bien que le passé historique de l'Église anglicane invitent et poussent à réaliser l'union des deux Églises. Deux idées maîtresses méritent d'être mûrement réfléchies en vue de leur mise à exécution pratique: ni absorption de l'Église anglicane dans l'Église romaine, ni séparation d'avec Rome.
Un des Anglicans observa qu'il serait nécessaire, quel que fût le projet de réunion, d'en conférer non seulement avec l'archevêque de Cantorbéry et les évoques d'Angleterre, mais aussi avec les évêques d'Amérique et ailleurs qui sont en communion avec le siège de Cantorbéry. Finalement, la Conférence de Lambeth aurait à en connaître. Il réitéra ensuite son affirmation que l'organisation ecclésiastique est chose d'importance relativement secondaire mais que les dogmes ont une importance capitale. Les Catholiques en tombent d'accord, et reviennent plus tard avec insistance sur la nécessité de l'unité de la doctrine.
Un autre Anglican demanda s'il serait possible que dans une première période d'essai de rapprochement, liberté fût laissée aux Anglicans de ne pas donner encore leur assentiment à certains dogmes définis depuis la rupture, et, par conséquent, sans leur participation?
Les Catholiques Romains répliquèrent que l'Église anglicane présente pour eux beaucoup plus de difficultés quant à l'état précis de leur croyance que l'Église orthodoxe orientale: il y a parmi les Anglicans une liberté en matière de foi qui apparaît excessive et qui est un obstacle à l'unité.
Un des Anglicans répondit en dépeignant deux dispositions différentes que l'on peut observer par rapport aux définitions de foi. Dans l'une, on est porté à définir toujours davantage en vue d'atteindre au maximum de clarté doctrinale; dans l'autre, on définit aussi peu que possible afin de garder à la vérité son contenu tout entier. Toutefois, tout le monde admet que dans de certaines circonstances il y a lieu de procéder à des définitions.
Un Anglican dit encore que les Catholiques Romains sont parfaitement fondés à demander aux Anglicans la fidélité aux Credos: mais une distinction lui paraît devoir être établie entre ce qui est fondamental et ce qui ne l'est pas. Il serait possible de faire une conciliation ayant pour base la Foi des premiers Conciles, comme d'ailleurs les Anglicans essaient de la faire avec les Églises orientales.
L'orateur continue en lisant un mémoire portant sur une parole de S. Augustin, lequel relate qu'au sentiment de S. Cyprien il est permis, ' sauf le droit de communion ... de conserver des convictions contraires ': Concedit (Cyprianus) salvo iure communionis . . . diversum sentire (Aug. de Bapt. iii. 5)-
Une réponse fut alors lue qui prouvait que la tolérance montrée à cette époque était d'un caractère suspensif. L'auteur du mémoire anglican en tomba d'accord et il ajouta que c'est précisément cette tolérance que les Anglicans réclament pour eux-mêmes et qu'ils ont toujours réclamée: leur position entière est suspensive; ils n'ont accepté ni le Concile de Trente, ni le Concile du Vatican. Les Anglicans proposent comme base d'entente la Foi cuménique des Conciles, avec une tolérence des diversités déterminées par la distinction du fondamental et du non-fondamental. Cette revendication doit être considérée comme un élément fixe dans la position des Anglicans: ils persisteront à soutenir la distinction indiquée.
A cela, les Catholiques Romains répondirent tout d'abord que la distinction entre articles fondamentaux et articles non fondamentaux ne peut se concilier avec la présupposition que ces articles sont également définis par une seule et même autorité infaillible et doivent être tenus les uns et les autres comme étant de foi. Cette réplique fournit aux Anglicans l'occasion d'expliquer que par le mot ' fondamental ' ils entendaient ce qui est de foi, et par le mot ' non fondamental ' ce qui n'est pas de foi. Les Catholiques Romains répondirent en second lieu que l'autorité d'un concile cuménique serait purement illusoire, si les évêques absents du concile étaient par là même dispensés de se soumettre à ses décisions. Cette fin de non recevoir n'a jamais été admise par l'Église.
Ceci conduisit à d'autres discussions dans lesquelles les opinions furent librement exprimées de part et d'autre. Vers la fin de cette quatrième assemblée, on donna lecture au document suivant qui avait été rédigé par les Anglicans formés en comité particulier.
Considérations émises après la discussion sur les rapports entre le Pape et les Évêques.
L'Église est un corps vivant sous l'autorité des évêques, à titre de successeurs des Apôtres, et, dès les commencements de l'histoire de l'Église, il a été reconnu une primauté et un pouvoir de direction (leadership] comme appartenant à l'évêque de Rome entre tous les évèques. On ne saurait supposer qu'une réunion de la Chrétienté soit possible en dehors de la reconnaissance de la primauté du Pape.
Si nous pensons que les deux Églises orthodoxe orientale et anglicane sont disposées à reconnaître cette primauté, nous ne pensons pas qu'elles soient également prêtes à la définir avec plus de précision.
Toutefois, les points suivants peuvent être utilement établis:
1. L'autorité du Pape n'est pas séparée de l'autorité de l'épiscopat, et, dans les circonstances normales, l'autorité de l'épiscopat ne saurait être exercée séparément de celle de son chef.
2. En vertu de cette primauté, le Pape peut réclamer le droit d'occuper à l'égard des autres évèques une position que nul autre évèque ne saurait revendiquer par rapport à lui.
3. L'exercice de cette primauté a, dans le temps passé, varié suivant les circonstances et les lieux: elle peut encore varier. Et c'est là une difficulté de définir les droits respectifs du Saint-Siège d'une part, et de l'autre, les droits respectifs de l'épiscopat.
Après quelque conversation au sujet de la publication d'un compte-rendu quelconque des procès-verbaux de ces Assemblées, on résolut de s'en rapporter à la discrétion du cardinal et de l'archevêque de Cantorbéry.
Il peut être utile d'ajouter quelques mots à ce Rapport, tant pour en résumer le sens que pour éclairer l'avenir. Les Entretiens ont touché à des questions de doctrine et de discipline. Dans les deux premières conversations, la préoccupation principale fut de constater que dans l'un et l'autre de ces domaines, il y avait accord suffisant pour inviter à un examen plus détaillé des points principaux en litige.
Le premier Entretien montra qu'un nombre considérable de questions dogmatiques qui avaient été autrefois matière à contestation ne devaient plus l'être dans l'avenir, tout au moins plus au même degré. Le second ouvrit de nouvelles perspectives d'organisation. L'examen plus détaillé commença avec la troisième conversation lorsque les membres présents passèrent de 6 à 10. La question angoissante de la Papauté remplit toutes les séances et elle déborda même sur la plus grande partie du quatrième Entretien. Toutefois, quelque temps y fut donné à des causeries sur des questions d'organisation envisagées par le groupe catholique romain. La cinquième Assemblée (11 et 12 octobre 1926) s'occupa uniquement de la rédaction de ce rapport. Le nombre des interlocuteurs y était réduit du côté catholique par la perte irréparable du cardinal Mercier et de l'abbé Portal et du côté anglican par l'absence de Mgr. l'évèque Gore et du doyen de Wells.
Le profit net de cette série d'Entretiens peut être établi comme il suit: plusieurs points de doctrine ont cessé d'être des causes de dissentiment et ont été définitivement éliminés de la controverse; d'autres qui prêtent encore à discussion ont été mis en lumière. Quelques points dogmatiques, notamment ceux qui ont été effleurés au cours de la première Conversation, et particulièrement la doctrine des sacrements, ne seront plus développés ici, parce qu'on les a déjà assez discutés dans le Mémoire français avec lequel, en substance, nous sommes d'accord, et parce qu'ils seront utilement soumis à une discussion ultérieure, laquelle, on peut l'espérer, conduira ceux qui l'entreprendront à se mieux comprendre et à s'accorder dans une plus large mesure sur les matières actuellement controversées.
Les Anglicans qui ont eu le privilège de participer aux conversations de Malines, tiennent à souligner leur profonde gratitude pour la bonté que ne cessa de leur témoigner le cardinal Mercier, et la dette qu'ils ont contractée envers sa mémoire. Sa mort leur a causé une peine fortement ressentie au plus intime du cur. Ils se rappelleront toujours avec douceur son nom vénéré et sa généreuse hospitalité.
Par l'autorité de sa présence et de sa grâce, le Cardinal créa autour de lui une atmosphère où la plus entière franchise de langage n'altérait pas la cordialité des rapports ni le vif désir, qui allait croissant chez tous les interlocuteurs, de pénétrer avec sympathie leurs positions réciproques. Les Anglicans estiment que l'on s'engagerait prématurément et peut-être dans une fausse direction, si l'on essayait de tracer des indications plus nettes que ne le permet la lecture même attentive de ce bref compte-rendu, soit dans le sens d'un progrès définitif vers l'accord, soit dans le sens d'un écart de vue irrémédiable.
Ces conférences ont été vues avec bienveillance par l'autorité; cependant, les propositions émises l'ont été librement sous la seule responsabilité des participants et elles n'engagent qu'eux-mêmes. Les Anglicans sont convaincus que c'est seulement par des conversations amicales que se prononcera dans l'avenir un mouvement capable d'achever la réunion de la chrétienté. Elle est vivement souhaitée par tous les curs chrétiens. Leur plus ardente espérance est de voir se poursuivre des conversations semblables de manière que l'uvre commencée avec la bénédiction et sous les auspices du Cardinal Mercier soit continuée, et qu'avec l'aide de Dieu et à l'heure qu'il lui plaira, se réalise pleinement la parole si souvent répétée par le Cardinal: 'Ut unum sint! qu'ils soient un!'
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